Une correspondance étonnante qui nous permet de saisir la gangue intellectuelle que représentait le conservatisme religieux dans le Québec des années 1930 et 1940. Yves Gingras poursuit ici son travail sur l'œuvre du frère Marie-Victorin et l'histoire des sciences.
Avec ce volume, les Éditions du Boréal rendent accessibles au grand public un ensemble de textes inédits du frère Marie-Victorin. Ces textes, que le scientifique nommait lui-même ses " lettres biologiques ", sont tirés d'une correspondance qu'il a entretenue pendant plus de dix ans, de 1933 à 1944, avec celle qui était son assistante à l'Institut et au Jardin botaniques de Montréal, Marcelle Gauvreau. Formant un tout cohérent, ils contiennent ses réflexions et enquêtes sur la sexualité. On y voit Marie-Victorin aborder un champ d'études nouveau à une époque où la morale dominante rendait impensable toute discussion publique sur le sujet.
La publication de ces lettres s'imposait, car elles représentent une contribution importante à l'histoire de la sexualité au Québec et à celle de la vie religieuse. En effet, les sources sur la vie intime des religieux sont rares, et tout ce qui touche à la sexualité est resté tabou jusqu'aux années 1960, au Québec comme ailleurs en Occident. Si ces lettres risquent encore de choquer de nos jours, c'est parce qu'elles présentent une vision de la vie sexuelle et du célibat bien éloignée de celle d'aujourd'hui. Elles nous rappellent la " grande noirceur " qui entourait alors les questions sexuelles et nous permettent de mesurer le chemin parcouru depuis.
Ces lettres intéresseront autant l'historien que le psychologue ou le psychanalyste, car elles nous font découvrir une amitié profonde et spirituelle entre un homme et une femme, fondée sur une relation à Dieu qui barre la route à une relation physique que les deux savent impossible. Elles intéresseront également un public plus vaste, en ce qu'elles permettent de poser des jalons essentiels dans la trajectoire d'un intellectuel qui a profondément influencé la société québécoise par sa liberté d'esprit et de parole ainsi que son désir de secouer les conventions.
" Ses lettres décrivent la sexualité, masculine et féminine, avec une précision peu égalée aujourd'hui. Elles ont pourtant été écrites dans les années 1930 par un religieux. Et ce religieux était nul autre que le frère Marie-Victorin. Durant onze ans, de 1933 à 1944, l'année de sa mort, le frère Marie-Victorin a entretenu une correspondance tout à fait exceptionnelle avec Marcelle Gauvreau. " Caroline Montpetit, Le Devoir