Au sens propre, le « Jansénisme » est une hérésie délimitée par cinq propositions concernant le salut directement associées à un livre, Augustinus (1640), de Cornelius Jansenius. Délimitation et association furent le résultat d'un processus lent et complexe dont les motivations autant que le sens restent d'interprétation délicate. C'est ce qu'a bien mis en évidence la recherche récente en examinant les facteurs multiples qui ont contribué à l'apparition du mouvement janséniste et suscité sa condamnation.
Au centre de cette question, un point important n'a pas été vraiment éclairci, celui de la naissance de ces Cinq Propositions. On écrit généralement qu'elles furent « tirées de l'Augustinus et présentées par le Syndic, N. Cornet à la Faculté de théologie de Paris, le 1er juillet 1649 ». Les choses ne furent pas aussi simples...
Comme son titre l'indique, la présente étude cherche à examiner comment le Jansénisme naquit dans la Faculté de théologie de Paris ou du moins y trouva son essence. Suivant la méthodologie élaborée dans Pouvoir et théologie en Sorbonne, elle s'attache à reconstituer les activités de ce corps de théologiens durant une période particulièrement dense de son histoire. En observant le comportement des 350 docteurs qui s'y trouvèrent concernés, en analysant leur discours, elle entreprend de distinguer les principaux courants au sein de la Faculté. Sur les oppositions idéologiques présentes de longue date entre « gallicans » et « romains » se superposent des oppositions nouvelles, sur le plan de la méthode théologique comme sur celui de la doctrine. À cet égard la Censure d'A. Arnauld, que les Mémoires de l'abbé de Beaubrun permettent de reconstituer en détail, est le moment fort de ce grand débat, très révélateur de ses enjeux profonds. Enjeux théologiques, certes, qui menacent l'intégrité de la tradition de la Faculté, compliqués par des pressions politiques, mais surtout questions d'autorité qui remettent en cause le magistère des docteurs.