Alors que les « disciples pusillanimes » s'efforçaient de masquer les aspects scandaleux de la doctrine de Fourier pour la réduire à une simple théorie de l'association, les modernes lecteurs, eux, s'attachent à la critique de l'ordre répressif et à l'apologie du libre amour pour mieux oublier les virulentes dénonciations de la civilisation capitaliste.
Récusant ces modes inverses de méconnaissance, la présente étude appréhende l'ensemble du discours fouriériste ; en effet c'est d'un même mouvement que se trouvent condamnés le régime civilisé des amours et celui de la production. Au yeux de Fourier l'organisation sociale n'est pas moins absurde dans l'un que dans l'autre domaine et l'exhibition des vices du chaos civilisé renvoie presque immédiatement à la découverte des bienfaits de l'ordre harmonien, dans le champ de l'économie comme dans celui des mœurs.
Hors des bienséances académiques, le Phalanstérien développe un discours étrangement singulier ; pour laisser apparaître cette originalité, l'auteur étudie le projet fouriériste aussi bien à travers la taxinomie des cocus, les spéculations cosmogoniques, le répertoire des crimes du commerce... qu'en analysant la périodisation de l'histoire ou la théorie des passions développées par Fourier.
Par delà un texte profus où se déploie une multiplicité de thèmes, l'auteur explicite le jeu de l'imaginaire fouriériste dans le procès de constitution de la doctrine sociétaire pour en mettre à jour le schème prévalent : l'opéra. En effet l'ordre harmonien, c'est l'opéra devenu monde.